Le avventure di Pinocchio

Onglets principaux

Un roman pour enfants au service de la Nation

Quoique le projet de Manzoni (cf. dans cette leçon Dell'unità della lingua) devait échouer, le besoin d’enseigner l’italien aux enfants (et même aux adultes) après l’unification du pays demeurait. Parmi les moyens pour y parvenir se trouvaient les lectures adressées aux écoliers. Jusque-là l’Italie n’avait pas connu une littérature pour enfants, avec peut-être la seule exception du chef d’œuvre en napolitain de Giovan Battista Basile (1572-1632), Cunto de li cunti, ovvero lo trattenemiento de’ peccerilleLe Conte des contes, ou bien le divertissement des plus petits, publié à titre posthume en 1634-1936. Mais tout cela change après 1861 et la scolarisation obligatoire. En effet avec la Loi Casati du 13 novembre 1859, limité d’abord au Royaume de Sardaigne et appliquée ensuite à tout le nouveau Royaume d’Italie, deux ans d’école primaire deviennent obligatoires. La Loi Coppino du 15 juillet 1877 impose trois ans de scolarisation et l’école devient en principe gratuite. À ce moment-là les maisons d’édition se sont rendues compte qu’un nouveau marché s’ouvrait et ont commencé à publier des livres pour enfants qui présentaient aussi un modèle linguistique convenable, ce qu’on pourrait appeler un toscan moyen. Parmi les auteurs qui ont eu le plus de succès, on trouve Carlo Collodi avec Pinocchio, Edmondo De Amicis (1846-1908), avec Cuore (1886) et Emilio Salgari (1862-1911), auteur de nombreux livres d’aventures qui se déroulent dans des pays exotiques. Le plus célèbre de ces romans est sans doute Pinocchio, traduit en 240 langues et sujet de nombreux films.

Carlo Collodi (Florence 1826-1890), pseudonyme de Carlo Lorenzin (Collodi est la petite ville en Toscane d’où venait sa mère) a mené une vie assez aventurière et souvent sans beaucoup de succès ; ses ambitions littéraires ne semblaient aboutir. Cependant, après quelques tentatives d’écriture d’histoires pour enfants, il fut invité à collaborer au [qtip :Giornale per i bambini |Journal pour les enfants], où, entre 1881-1883, il publia, en divers épisodes, la Storia di un burattinoHistoire d’une marionnette. Revu par l’auteur et renommé Le avventure di Pinocchio, le roman entier a été publié pour la première fois à Florence par Felice Paggi en 1883.

Le succès de Pinocchio est dû probablement au fait qu’on peut faire plusieurs lectures et interprétations du roman : littéraire, historique, psychologique même. Ainsi, on y a vu les regrets pour l’enfance perdue, l’expression du rite de passage de tout un peuple, ou encore la plus authentique des "nombreuses recherches de l’identité nationale" pour le critique italien Alberto Asor Rosa. Du point de vue de la langue, le roman, comme Cuore, embrasse les idées de Manzoni en présentant un texte en toscan contemporain, mais à la différence du roman de De Amicis, Pinocchio introduit beaucoup de dialogues, d’expressions populaires et souvent typiquement toscanes qui rendent le texte plus vif et surtout plus amusant. Ce dernier aspect fait également partie du charme du roman, qui veut enseigner la morale, mais à travers les aventures d’un personnage qui ne respecte pas les règles, ce qui le rend sympathique. Cela ressort bien dans le passage publié ici, où on rit avec les commentaires de Pinocchio sur la morale du Grillon-qui-parle. Ce chapitre reflète aussi la nouveauté de l’école primaire obligatoire : Pinocchio ne veut pas aller è l’école, comme tous les enfants sont obligés à le faire. À cette époque il devait y avoir beaucoup d’enfants qui ne comprenaient pas pourquoi ils devaient fréquenter l’école. Le Grillon-qui-parle représente la pensée des autorités.

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Illustration d' Enrico Mazzanti (1850-1910)

Dans cet extrait, qui introduit pour la première fois un personnage devenu proverbial, le Grillon-qui-parle, conscience de Pinocchio, on trouve des formes populaires, comme : se la dava a gambe, Chi è che mi chiama, Grillo mio, come ti pare e piace, Grillaccio del malaugurio, mi vada a genio, correre dietro alle farfalle, si piglieranno gioco et des expressions toscanes, comme  la tendance au diminutifs (leprottino, grullerello ou encore e tu chi sei, spicciati, non ti garba, Chetati, se mi monta la bizza), le démonstratif codesto, le négatif punto. La syntaxe révèle une tendance assez littéraire à se servir du participe passé sur le modèle latinisant de l’ablatif absolu : Giunto dinanzi a casa, preso di sul banco, à côté d’un exemple d’italien populaire comme : di studiare non ne ho punto vogliane è superflu ; il s’agit d’un trait typique de ce qu’on définit aujourd’hui le néostandard italien.

Capitolo quarto

La storia di Pinocchio col grillo parlante, dove si vede come i ragazzi cattivi hanno a noia sentirsi correggere da chi ne sa più di loro.L’histoire de Pinocchio et du Grillon-quiparle. Où l’on voit que les méchants garçons ne supportent pas d’être contrariés par qui en sait plus qu’eux.
Vi dirò dunque, ragazzi, che mentre il povero Geppetto era condotto senza sua colpa in prigione, quel monello di Pinocchio, rimasto libero dalle grinfie del carabiniere, se la dava a gambe giú attraverso ai campi, per far piú presto a tornarsene a casa; e nella gran furia del correre saltava greppi altissimi, siepi di pruni e fossi pieni d’acqua, tale e quale come avrebbe potuto fare un capretto o un leprottino inseguito dai cacciatori.Voilà donc la suite, les enfants. Alors que le pauvre Geppetto était conduit sans raison en prison, ce polisson de Pinocchio, sorti des griffes du carabinier, descendit à toutes jambes à travers champs pour rentrer plus vite à la maison. Dans sa course folle, il gravissait les plus hauts talus, sautait par dessus des haies de ronces et franchissait des fossés pleins d’eau, exactement comme un chevreau ou un jeune lièvre poursuivi par des chasseurs
Giunto dinanzi a casa, trovò l’uscio di strada socchiuso. Lo spinse, entrò dentro, e appena ebbe messo tanto di paletto, si gettò a sedere per terra, lasciando andare un gran sospirone di contentezza.Arrivé devant la maison, il trouva la porte fermée. Il lui donna une bourrade, entra, tira tous les verrous et s’affala par terre en poussant un grand soupir de satisfaction.
Ma quella contentezza durò poco, perché sentì nella stanza qualcuno che fece:Mais la satisfaction dura peu car il entendit, quelque part dans la pièce, quelqu’un qui faisait :
Cri-cri-cri.Cri-cri-cri
Chi è che mi chiama? – disse Pinocchio tutto impaurito. – Qui donc m’appelle ? – demanda Pinocchio, apeuré.
Sono io!– C’est moi !
Pinocchio si voltò, e vide un grosso Grillo che saliva lentamente su su per il muro.Il se retourna et vit un énorme Grillon qui grimpait lentement sur le mur.
Dimmi, Grillo, e tu chi sei?– Dis-moi, Grillon, qui es-tu ?
Io sono il Grillo parlante, ed abito in questa stanza da più di cent’anni.– Je suis le Grillon-qui-parle, et je vis dans cette pièce depuis plus de cent ans.
Oggi però questa stanza è mia, - disse il burattino – e, se vuoi farmi un piacere, vattene subito senza nemmeno voltarti indietro.– Ouais, mais maintenant c’est ma maison à moi – dit la marionnette – et si tu veux vraiment me faire plaisir, va-t-en tout de suite et ne reviens pas.
Io non me ne anderò di qui, - rispose il Grillo, – se prima non ti avrò detto una gran verità.– Je ne partirai d’ici – répondit le Grillon – qu’après t’avoir dit une vérité essentielle.
Dimmela e spicciati.– Bon, alors grouille-toi de me la dire.
Guai a quei ragazzi che si ribellano ai loro genitori e che abbandonano capricciosamente la casa paterna. Non avranno mai bene in questo mondo; e prima o poi dovranno pentirsene amaramente.– Malheur aux enfants qui se révoltent contre leurs parents et abandonnent par caprice la maison paternelle ! Jamais ils ne trouveront le bien en ce monde et, tôt ou tard, ils s’en repentiront amèrement.
Canta pure, Grillo mio, come ti pare e piace; ma io so che domani all’alba voglio andarmene di qui, perché se rimango qui, avverrà a me quel che avviene a tutti gli altri ragazzi, vale a dire mi manderanno a scuola e per amore o per forza mi toccherà a studiare; e io, a dirtelo in confidenza, di studiare non ne ho punto voglia, e mi diverto più a correre dietro alle farfalle e a salire su per gli alberi a prendere gli uccellini di nido. – Cause toujours, mon Grillon, tant qu’il te plaira : moi je sais que demain, à l’aube, je partirai d’ici car si je reste, il m’arrivera ce qui arrive à tous les enfants. C’est à dire qu’ils m’enverront à l’école et, que cela me plaise ou non, on m’obligera à étudier. Or moi, je te le dis en confidence, étudier ne me va pas du tout. Cela m’amuse beaucoup plus de courir derrière les papillons et de grimper dans les arbres pour dénicher les oiseaux.
Povero grullerello! Ma non sai che, facendo così, diventerai da grande un bellissimo somaro e che tutti si piglieranno gioco di te?– Pauvre petit sot ! Tu ne sais donc pas qu’en agissant ainsi tu deviendras le plus beau des ânes et que tout le ainsi tu deviendras le plus beau des ânes et que tout le monde se paiera ta tête ?
Chetati, Grillaccio del malaugurio! – gridò Pinocchio.– Oh ! La barbe Grillon de malheur ! – cria Pinocchio.
Ma il Grillo, che era paziente e filosofo, invece di aversi a male di questa impertinenza, continuò con lo stesso tono di voce:Mais le Grillon, qui était patient et philosophe, au lieu de prendre mal cette impertinence, continua sur le même ton :
E se non ti garba di andare a scuola, perché non impari almeno un mestiere, tanto da guadagnarti onestamente un pezzo di pane?– S’il ne te plait pas d’aller à l’école, tu pourrais au moins apprendre un métier, de façon à pouvoir gagner ta vie honnêtement.
Vuoi che te lo dica? – replicò Pinocchio che cominciava a perdere la pazienza. – Fra i mestieri del mondo non ce n’è che uno solo che veramente mi vada a genio.– Tu veux que je te dise ? – répliqua Pinocchio, qui commençait à s’énerver – Parmi tous les métiers du monde, un seul me conviendrait parfaitement.
E questo mestiere sarebbe?– Et ce métier serait ?…
Quello di mangiare, bere, dormire, divertirmi e fare dalla mattina alla sera la vita del vagabondo.– Celui qui consiste à manger, boire, dormir, m’amuser et me balader du matin au soir.
Per tua regola, - disse il Grillo parlante con la sua solita calma, – tutti quelli che fanno codesto mestiere finiscono quasi sempre allo spedale o in prigione.– Pour ta gouverne – lui répondit le Grillon-qui-parle avec son calme habituel – je te signale que ceux qui pratiquèrent un tel métier ont tous fini leurs jours à l’hospice ou en prison.
Bada, Grillaccio del malaugurio,... se mi monta la bizza, guai a te!– Cela suffit, Grillon de malheur !… Si la colère me prend, gare à toi !
Povero Pinocchio! Mi fai proprio compassione.– Pauvre Pinocchio ! Tu me fais pitié !…
Perché ti faccio compassione?– Et pourquoi, Grillon ?
Perché sei un burattino e, quel che è peggio, perché hai la testa di legno.– Parce que tu es une marionnette et, ce qui est terrible, que tu as donc la tête dure comme du bois.
A queste ultime parole, Pinocchio saltò su tutt’infuriato e, preso di sul banco un martello di legno, lo scagliò contro il Grillo parlante.Rendu absolument furieux par ces dernières paroles, Pinocchio se leva d’un bond, s’empara d’un marteau sur l’établi et le lança à toute volée vers le Grillon-qui-parle.
Forse non credeva nemmeno di colpirlo; ma disgraziatamente lo colse per l’appunto nel capo, tanto che il povero Grillo ebbe appena il fiato di fare cri-cri-cri, e poi rimase lí stecchito e appiccicato alla parete.Peut-être crut-il qu’il ne le toucherait même pas. Malheureusement, il le frappa en plein sur la tête, si bien que le pauvre Grillon, après avoir fait une dernière fois cri-cri-cri, resta collé au mur, raide mort.

Traduction en français de Carlo Collodi réalisée par Claude Sartirano en 2002, à partir du texte original de 1883.